lundi 8 septembre 2014

Le peintre dans le Décaméron de Boccace

       Reconstituer, est un dosage d'archéologie expérimentale et d'étude de rôle. J'avais espéré trouver quelque discours utile auprès d'un auteur classique mais j'ai rapidement déchanté après avoir pensé que Boccace pouvait faire mon affaire. J'étais tombé sur le Décaméron dont les traductions françaises remontent au début du XVe siècle. La première fut achevée en 1414 par Laurent de Premierfait après trois ans de travail. Ce dernier qui ne connaissait pas l'italien avait dû recourir à un frère cordelier pour le faire traduire en latin auquel il était plus habitué. Quelques rares et très coûteux manuscrits lui succédèrent.
BNF Fr.230 fol 86v 


Rappelons seulement que l'œuvre originale fut écrite entre 1349 et 1351 et que le sujet y dépeint sept nobles demoiselles et trois jeunes hommes courtois qui avaient choisi de fuir la peste de 1348 en se réfugiant dans les collines de Fiesole. Ils avaient établi comme règle d'occuper les heures les plus chaudes de la journée par une joute narrative s'étalant sur 10 jours.
Un plan qui a servi de modèle à d'autres œuvres comme les cent nouvelles nouvelles présentées par des personnages historiques membres de la cour de  Bourgogne ou plus récemment, l'ouvrage populaire de 2010, inspiré de dix contemporains rassemblés par Jean Sauvy, grâce à l'intervention d'Internet.                            
      Dans sa préface du Décaméron, traduit une nouvelle fois à la fin du 19e siècle par Francisque Reynard, l'auteur déclarait encore que quelqu’un qui les avait observés de près avait dit, avec autant d’à-propos hélas (sic) que ce qui distinguait les Français des autres peuples était leur ignorance profonde en géographie et qu'il aurait pu ajouter leur ignorance à peu près complète des littératures étrangères. Les œuvres des écrivains étrangers étant quasi inconnues en France. On y imaginait pourtant que le Décaméron contenait des contes plus licencieux les uns que les autres. 
Il est vrai que Boccace s'en était excusé dans sa conclusion : "S’il y a dans mes écrits quelques endroits qui puissent faire rougir la pudeur, quelques expressions gaies, doit-on accorder moins de licence à la plume du poète qu’au pinceau du peintre ?"

      Je ne doute pas qu'aujourd'hui les lecteurs, ainsi avertis, puissent s'être régalés de ces cent nouvelles qui sont aussi à l’origine d’une riche iconographie comme le démontre l'éditrice Diane de Selliers dans une belle sélection de la fin du moyen âge sous référence ISBN 978-2-903656-57.

      Boccace pouvait interagir en s'exprimant en mots et en images puisqu'il lui arriva d'illustrer certains manuscrits en y intégrant des dessins à la plume rehaussés d'aquarelle. Son œuvre littéraire fut aussi peinte par de nombreux artistes médiévaux sur toutes sortes de supports comme murs, coffres de mariages ou plateaux d'accouchées pour ne prendre que quelques exemples. Mais comment considérait-il la profession de peintre au travers du texte puisque trois jours sur dix, ceux-ci  y sont évoqués ? Trois histoires sur les dix quotidiennes font l'objet des journées 6 et 8 tandis qu'une seule sert de sujet le 9ème jour. Une telle proportion au sein de ces contes qui se veulent galants m'a quelque peu surpris.
      Je souhaitais y trouver quelque chose de flatteur mais malgré tout le respect que la reine du jour vouait à Giotto, premier peintre à entrer en scène, c'est sa laideur physique qui requière toute l'attention de la nouvelle numéro V.
      Sots, espiègles, caricaturistes, laids, il n'est, à l'exception citée, pas question de talent. Même Dieu y apparaît comme apprenti peintre !
      Par tant de parodies, Boccace ne se distingue guère de Reynard en matière de causticité à l'égard de ses compatriotes. Mais tout cela n'était-il pas seulement destiné à servir aux dames d'exemples pour distinguer ce qu’il fallait éviter ou imiter ?
      
      Le seul exemple que je retienne est l'humilité de Gioto qui ne faisait qu’augmenter l’éclat de ses talents.


J'ai dressé, ci-après, une liste abrégée des jours, reine, sujet et nouvelle :

6ème journée (Reine : Elissa, éviter dommage, danger ou honte par l'usage d'une prompte réplique)
NOUVELLE V
RIEN DE PLUS TROMPEUR QUE LA MINE
(Laideur physique des Baronchi et de Giotto)
NOUVELLE VI
LA GAGEURE
(Dieu en apprenti peintre lorsqu’il créa les Baronchi)
NOUVELLE X
LE FRÈRE QUÊTEUR OU LE CHARLATANISME DES MOINES
(Lipotopo le caricaturiste)


8ème journée (Reine : Lauretta, tours que l’on se joue)
NOUVELLE III
L’ESPRIT CRÉDULE  (Calandrin, joué par 2 compères,
croit que sa femme est responsable de la perte de son invisibilité)
NOUVELLE VI
LE SORTILÉGE OU LE POURCEAU DE CALANDRIN E
(Une nouvelle fois victime de Lebrun et Bulfamaque)
NOUVELLE IX
LE MÉDECIN JOUÉ
(Les deux peintres se jouent du docteur Simon de Villa


9ème journée (Reine : Emilia parler de ce qui lui est le plus agréable)
NOUVELLE V
LE SOT AMOUREUX DUPE
(Calandrin, jouet de ses compagnons, de Philippe et de Colette est molesté par sa femme)..


L'on peut lire le Décaméron libre de droits à l'url suivante :



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